Jeudi 10 juillet
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13:56
J'étais là, à genoux devant ces dizaines de paires de chaussures, complètement nu, quelque peu hébété, sous le regard inquisiteur d'une Femme aux cheveux courts et
noirs comme le charbon. Un chiffon dans ma main gauche, une boîte de cirage noir dans l'autre main, j'étais en train de me demander par quel sortilège je m'étais retrouvé là dans cette étrange
galère. J'avais 20 ans, j'étais jeune et totallement à la masse.
J'avais rencontré cette Femme par l'intermédiaire du réseau minitel où nous avions dialogué durant de longues soirées, abordant toutes sortes de sujets, des plus
triviaux aux plus existentiels, avant de nous donner rendez-vous dans un café, près de la place de la Contrescarpe, dans le Vème arrondissement. Elle s'appelait Cécile. Elle m'avait fixé de son
regard pénétrant tout au long de notre entretien, cherchant sans doute une étincelle de sincérité dans mes demi-phrases chuchotés fébrilement et jetées à la va-vite dans l'atmosphère enfumée de
l'établissement de la même manière que si j'avais voulu me débarrasser en toute hâte d'un cadavre trouvé dans mon placard. A vrai dire, je n'en menais pas large, impressionné par une Femme de
quinze ans mon ainée et qui me jaugaient en plissant de temps à autre ses yeux clairs et dominateurs. Il faut croire qu'elle trouva cette étincelle puisqu'elle finit par me proposer de
venir chez elle le week-end qui suivait.
Après une attente interminable, à cogiter et tourner en rond dans mon studio, je me rendis enfin chez elle. Elle habitait dans un immeuble moderne, tout
près du jardin des Plantes. Elle m'ouvrit sa porte, habillée d'un chemisier blanc, d'une jupe longue en coton beige et d'une paire de mocassins en cuir noir. Bien qu'élégamment vêtue, elle ne
correspondait pas tout à fait à l'idée que je m'étais faite d'une Femme Dominatrice. A l'époque, j'avais un tas d'idée préconçues sur les Maîtresses qui barbotaient dans mon cerveau et il
faudrait toute la patience infinie mais ferme de celle qui allait devenir ma Maîtresse pour me les retirer. Au lieu donc d'une créature latexée et bottée, munie d'un fouet long comme un jour sans
pain, j'avais en face de moi une très charmante Femme qui m'accueillait avec un large sourire. L'appartement, sobrement décoré mais avec goût, baignait dans une douce lumière et exhalait une
envoutante odeur de lavande. Elle m'invita à entrer dans le salon et à prendre place dans un fauteuil confortable tandis qu'elle s'installait dans un canapé, à ma perpendiculaire, les jambes
croisées, laissant ainsi apparaître une jambe à la chair blanche et ferme.
- Tu es vraiment décidé à devenir mon esclave alors ? me demanda-t-elle, subitement.
- Oui, répondis-je, en avalant ma salive.
- Oui qui ?
- Oui, Maîtresse. Pardon.
- Tu sais ce que ça implique ? Nous en avons suffisamment parlé mais je ne veux pas que dans une semaine, tu me dises que tu n'as plus envie ou une autre connerie de
ce genre.
C'était la première fois que je l'entendais parler de cette façon, je compris que les évènements se précipitaient et qu'on passait aux choses sérieuses.
- Je comprends Maîtresse. Je suis tout à fait décidé à devenir votre esclave.
Elle réfléchit quelques secondes, sans me quitter du regard puis ordonna :
- Déshabille-toi, vite !
J'obéis et retirai mes vêtements que je posai sur le fauteuil. Une fois nu, elle me dit de mettre mes mains dans le dos puis se leva. Elle m'examina quelques minutes,
tournant autour de moi, tâtant longuement plusieurs parties de mon corps puis me demanda de la suivre.
- Mets-toi à genoux ! Aujourd'hui, tu vas t'occuper de l'entretien de mes chaussures.
Elle ouvrit un grand placard, situé dans sa chambre. Des dizaines de rayonnages couvrait tout l'espace du meuble et étaient garnis de vêtements soigneusement rangés et
pliés. En bas, au contraire, escarpins, bottes, mules, ballerines, sandales et baskets, disposés en tas épars, n'attendaient semble-t-il que moi pour enfin être mis en ordre.
- Voilà du cirage, un chiffon et une brosse, me dit-elle en me tendant les accessoires. Tu nettoies tout ça, et tu les ranges par paires. Tu
t'appliques, je veux que ça brille.
Je marmonnais un "oui, Maîtresse" sans trop de conviction puis restais planté là sans trop savoir quoi faire. Maîtresse Cécile empoigna alors mes cheveux et me tira la
tête en arrière, tout près de la sienne.
- Tu croyais quoi, exactement ? Je ne suis pas une Domina qu'on trouve dans les magazines, je ne suis pas là pour exaucer tout tes phantasmes, c'est
clair ? Si tu vois quelque chose à redire, tu dégages de suite !
- Non, Maîtresse, mais...
- Mais quoi ? Je suis en train de perdre mon temps là.
- Pardon, Maîtresse, je vais faire ce que vous m'avez dit. Pardon.
Je m'en tirai "simplement" avec une gifle, qu'elle appuya de toutes ses forces. En tremblant, je m'emparai rapidement de la première paire de chaussures qui se
présenta à moi, des escarpins en cuir aux talons vertigineux ( j'aurai plus tard l'occasion de les connaître) et commençai à manier la brosse à reluire.
Ma maîtresse m'avait enseigné dès le premier jour ma première leçon. Mon apprentissage allait se révéler long, difficile et douloureux.